La musique mauricienne reflète plus ou moins fidèlement, sa composition sociétale ; à savoir puisée de trois continents, imbibée de conservatisme et très peu métissée, ou fusionnée.
L’île Maurice compte des musiciens de tous les genres dont sa population est issue. Musique classique et contemporaine de l’Inde, quelques musiciens classiques européens, quelques perles dans le domaine du jazz et du blues, du rock, de la pop, des chansons françaises, quelques compositeurs de musique électronique et, bien sûr, Sega. Sega est clairement d’origine africaine avec le mérite d’avoir évolué vers un genre « endémique » aux Mascareignes, reconnaissable à son rythme ternaire 6/8, qui caractérise, non seulement les Sega Tipik de l’île Maurice, mais aussi la Sega Tambour de Rodrigues et des Chagos, ainsi que les Maloya de l’île de la Réunion et le Moutia des Seychelles. Les trois premiers étant classés au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO.
Les Français, premiers à s’installer durablement sur lîle dès le début 18ème du siècle, débarquent avec leurs instruments à cordes et à vent, tandis que les esclaves qu’ils « importent » de Madagascar et d’Afrique n’ayant pas ce privilège, ont dû refabriquer leurs instruments, notamment le bobr, les petites percussions et la
ravanne
.
Ainsi, les trois familles d’instruments se sont retrouvées sur l’île, mais pas en harmonie.
Tandis que pianos, clavecins, violons ou accordéons, sur des airs de valses, polkas et chansons populaires, animaient les bals, cambuses et bordels du fin fond des plantations, et plus tard sur les plages perdues, les esclaves trouvaient, dans la transe induite par le tambourinage répétitif de l’instrument de musique, la possibilité de s’amuser. ravanneIl s’agit d’un lien social et sensuel, d’un apaisement, d’une extase et d’un lien social. Les thérapies libératrices des sessions Sega sont devenues une tradition et un emblème de la condition noire à Maurice.
Il existe un certain parallèle entre le séga et le flamenco.
Il s’agit dans les deux cas de musiques « folkloriques » au sens pur du terme, issues de peuples dominés, en danger de perdre leur identité.
À l’origine, toutes deux sont minimalistes et expriment les plaintes et les souffrances de ces peuples, avant d’évoluer vers des rythmes beaucoup plus gais et chargés.
Les paroles des ségas populaires des années 1960 à 1980 étaient le plus souvent humoristiques, avec des doubles sens évidents d’expression sexuelle.
La ravanne était et reste l’instrument central du séga.
Elle est semblable à de nombreux tambours légers que l’on trouve dans le monde entier.
Contrairement aux percussions africaines classiques telles que le djembé et les kongas, qui sont plus profondes que larges, la ravanne forme un cercle plus large, de 30 à 40 centimètres de large, et est peu profonde, comme celles que l’on trouve en Afrique du Nord, en Amérique du Sud et même en Australie.
Traditionnellement, elle est faite de peau de chèvre, qui doit être préchauffée au début et pendant les séances pour qu’elle reste bien tendue.
Sa particularité est que des mini-cymbales métalliques (souvent des pièces de monnaie) sont ajoutées par paires dans un triangle.
C’est de ce double son, accompagné de la maravanne et du triangle, qu’est né le rythme du Sega Tipik de l’île Maurice.
Le Séga a certainement, dû évoluer au cours du 19ème siècle mais il n’y a pas moyen de retracer cette évolution. En revanche, l’accordéon est devenu un élément presque essentiel de l’orchestre. Sega Tipik du 20e siècle et à partir des années 1950, avec l’arrivée des instruments électriques, l’évolution est évidente, même si le Sega typique survit en parallèle, avec notamment l’emblématique « Ti Frer« (1900 – 1992) et Michel Legris (1932 – 2015), pour ne citer que ces deux-là.
Alors que les guitares électriques sont d’abord cantonnées à un rythme funk et que la batterie renforce mais ne détourne jamais la ravanne, le clavier remplace l’accordéon.
Les premiers studios d’enregistrement apparaissent, dont l’emblématique Capricorn Records et ses premiers singles en vinyle (années 1960), suivis des cassettes (années 1970).
C’est le séga électrifié qui va connaître une période d’influence Soul ; cette tendance porte un nom : « Soul Sok Sega ».
Elle fusionne ensuite avec la musique indienne, par l’adoption de ses instruments : Sitar, Tampoura, tabla et autres petites percussions, ce qui a donné naissance à la « chanson engagée » des années 70 et 80.
Il ne s’agit plus (seulement) d’émancipation mais aussi de lutte de la classe ouvrière, soutenue par un mouvement syndical et politique sans précédent.
Des emblèmes de ce mouvement se sont fait connaître par leur présence sur les scènes des meetings politiques où ils ont joué le rôle de chauffeurs de foule.
Il s’agit notamment du Grup Latanier (Ram & Nitish Joganah, Zul Ramiah), de Bam Cutayen et de Siven Chinien.
Les vibratos lancinants des accents indiens accompagnés de rythmes africains aigus et saccadés restent à ce jour la fusion la plus riche et la plus insolite du patrimoine musical mauricien.
Le Sega est chanté à 95 % en créole mauricien, à l’exception du « Geet gawai », qui est chanté en bhojpuri (le dialecte indien le plus répandu à Maurice).
Il s’agit de chants et de danses exclusivement féminins, qui sont interprétés lors des mariages traditionnels hindous.
Ce genre musical a également été reconnu par l’UNESCO.
A partir des années 1980, Sega est fortement influencé par le Reggae de Bob Marley et donne naissance au Seggae (Sega-reggae).
Cette souche pérenne qui a modernisé l’ensemble, nous la devons au groupe Racinetatane et à son leader Kaya (Reginald Topize), un « grand monsieur » de la scène musicale aux textes sensibles et profonds, décédé en 1999 dans des circonstances inacceptables, et que tous les Mauriciens continuent d’écouter et de vénérer.
Depuis, le Séga a été rattrapé aussi par le Rap, le Hip-Hop, le Dance Hall, le Ragga et plus récemment, par l’Electro-sega/maloya, sans négliger les courants Blues et Jazz.
Il semble que les jeunes s’intéressent de nouveau au séga ancestral.
Il existe même des entraîneurs de ravanne et plusieurs écoles autour de l’île.
Il existe également de petits ateliers de fabrication d’instruments traditionnels : ravanne, maravanne et triangle.
Le Sega se perpétue et nous nous en réjouissons.
Mieux encore, la musique mauricienne survit et se répand malgré le manque criant d’encouragement et de soutien et, surtout, l’insuffisance des opportunités.
Heureusement, il y a le soutien d’artistes pour les jeunes, mais aussi d’ONG et d’initiatives privées.
L’initiative de Philippe de Magnée est à l’origine de cette page.
Philippe de Magnée, ingénieur du son d’origine belge, après une longue carrière dans l’océan Indien, a créé en décembre 2017 un site internet, une plateforme de streaming réservée aux musiques de l’océan Indien : www.filoumoris.com.
Ce site a pour objectif de sauvegarder le patrimoine musical enregistré de l’océan Indien.
Il donne accès à des musiques et chansons inédites ou » disparues » des circuits commerciaux, d’artistes de l’océan Indien (Maurice, La Réunion, Rodrigues, l’archipel des Chagos, les îles Seychelles et l’archipel des Comores).
Ces morceaux proviennent principalement de la collecte et de la sauvegarde des chasses à travers l’Océan Indien par Philippe, « Filou » pour les intimes.
Il y a aussi des albums récents d’artistes de l’Océan Indien distribués sur les plateformes numériques et de très vieux 78 et 45 tours de séga de l’Océan Indien.
Une collection de plus de 9 000 titres intégralement disponibles en streaming + toutes les nouveautés sur les plateformes numériques.
La playlist concoctée pour BookMauritius Villasdestinée à sa clientèle de locations vacances offre 2 heures de musique variée pour une écoute légère dans le contexte des plages. Elle offre avant tout une vue d’ensemble et une introduction à la musique locale.
Sur filoumoris.com, en sus des albums de près d’un millier d’artistes, on y retrouve des playlist par genre : maloya – bhojpuri – Reggae – Seggae – chansons engagées – sega tipik – etc…